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  • Photo du rédacteurValentine Quiniou

L'incontournable procès de Flaubert

Dernière mise à jour : 25 avr. 2022

Le verdict est rendu le 7 février 1857. Flaubert, accusé de délit d’outrage à la morale publique et religieuse et aux bonnes mœurs, est acquitté. Ce jugement marquera l’histoire des procès littéraires au-delà de sa génération.



  • Un des procès littéraires les plus connus.

Des procès littéraires connus, il n’y en a pas qu’un. Aucune époque n’y échappe, de Zola à JK Rowling. Maupassant, Baudelaire, Oscar Wilde en ont aussi fait les frais. Serait-ce donc le passage obligé pour tout grand auteur qui marquera sa génération ?

L’un des plus célèbres, peut-être parce qu’il est plus ancien, reste le procès de Flaubert au sujet de Madame Bovary.

Parce que Procès’dures vous aide à réviser vos arrêts, on parlera de l’arrêt rendu par le tribunal correctionnel de la Seine du 7 février 1857.

  • Flaubert sur le banc des accusés


Son roman Madame Bovary est critiqué pour son immoralité et il s’agit d’engager la responsabilité de Flaubert pour délit d’outrage à la morale publique et religieuses aux bonnes mœurs.


Madame Bovary paraît pour la première fois en 1856 dans la Revue de Paris. Incontournable de la littérature française, Flaubert y dépeint le destin d’Emma Bovary. Épouse d’un médecin de province qui s’ennuie de la médiocrité de son entourage et de son quotidien, elle trouve refuge dans l’adultère et la dépense outrancière.


L’article 8 de la loi du 17 mai 1819 permet au procureur impérial, Ernest Pinard, de fonder son accusation et de placer Flaubert sur le banc des accusés.


Selon ce texte de loi, « Tout outrage à la morale publique et religieuse, ou aux bonnes mœurs, par l’un des moyens énoncés en l’article 1er, sera puni d’un emprisonnement d’un mois à un an, et d’une amende de seize francs à cinq cents francs ».


  • Ernest Pinard, un adversaire de taille


D’abord avocat puis magistrat, Ernest Pinard a occupé des fonctions prestigieuses de Procureur impérial et ministre de l’intérieur. Principal acteur de ce procès, il est également à l’origine du réquisitoire contre Les Fleurs du mal de Charles Baudelaire.

Il ne fait pas tâche à son époque, c’est le règne de la censure. Entre 1852 et 1855 pas moins de 104 délits de presse sont jugés par les tribunaux correctionnels.


Il prendra la parole pendant près de 2h pour dénoncer l’immoralité du roman de Flaubert “Voilà le roman ; je l'ai raconté tout entier en n'en supprimant aucune scène. On l'appelle Madame Bovary ; vous pouvez lui donner un autre titre, et l'appeler avec justesse Histoire des adultères d'une femme de province”. Il n’épargne pas Flaubert “La couleur générale de l'auteur, permettez-moi de vous le dire c'est la couleur lascive”.

  • La défense de son avocat, Maître Senard



L’avocat de Flaubert, Antoine Marie Jules Senard prenait sa défense, il y a 165 ans : "Messieurs, M. Gustave Flaubert est accusé devant vous d'avoir fait un mauvais livre, d'avoir, dans ce livre, outragé la morale publique et la religion". Le débat se cristallise autour de la thématique morale et Me Senard s’en sort pas. Une approche du droit d’auteur limitée mais liée aux enjeux de l’époque.


Une plaidoirie qui dura plus de 4 heures “Il n'y a rien qui ne soit grave dans la parole du ministère public, il ne faut donc rien laisser sans réponse” dit son avocat.

Et il revient sur tout, en citant les passages du livre à chaque fois “la vérité sortira de l’examen sérieux du livre".


“En un mot, je ne puis que répéter ce que j'ai dit en commençant la plaidoirie, que M. Flaubert est l'auteur d'un bon livre, d'un livre qui est l'excitation à la vertu par l'horreur du vice”. Il défendra, suite aux accusations de Ernest Pinard, le livre de Flaubert dans tous ses détails.

  • La position des juges



Le verdict est rendu le 7 février 1857 : Flaubert est acquitté. Les juges n'en prennent pas moins le temps de lui faire un rappel à l'ordre "Attendu qu'il y a des limites que la littérature, même la plus légère, ne doit pas dépasser, et dont Gustave Flaubert et co-inculpés paraissent ne s'être pas suffisamment rendu compte". Où est donc la liberté d’expression ? Ce n’est manifestement pas cette liberté fondamentale qui a permis l’acquittement de Flaubert dans cette affaire. Cette décision amène des réflexions entre les rapports du droit, de la morale et de l’art.

Flaubert est acquitté mais a-t-il vraiment tout gagné ? “Attendu qu'à ces divers titres l'ouvrage déféré au tribunal mérite un blâme sévère, car la mission de la littérature doit être d'orner et de récréer l'esprit en élevant l'intelligence et en épurant les moeurs plus encore que d'imprimer le dégoût du vice en offrant le tableau des désordres qui peuvent exister dans la société”. Il restera en effet profondément blessé par une telle interprétation de son œuvre, se sentant incompris. Son avocat a pris soin de défendre son client sur ce point “Vous n’avez pas lu le livre” ; “Vous vous êtes gravement trompé sur l’appréciation de mon client” en tentant de lui rendre justice.

Ce procès est incontournable non seulement parce qu'il traite d'un grand auteur de la littérature française mais encore parce qu'il cerne les enjeux des procès littéraires.

  • La connaissance du public de l’oeuvre de Flaubert


Flaubert est acquitté, blâmé et maintenant connu du grand public. En effet, le bruit retentissant de ce procès a joué un rôle fondamental dans le succès de son roman. Voici donc toutes les nuances que nous pouvons trouver à cette affaire qui a grandement contrarié Flaubert.

Le succès de Madame Bovary a émergé dans un contexte controversé et Flaubert aurait mérité de devoir son succès à son art plutôt qu’à un scandale judiciaire.


Retrouvez bientôt l’arrêt Madame Bovary sur Procès’dures.


Auteur : Valentine Quiniou




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