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  • Photo du rédacteurValentine Quiniou

Roe v. Wade appartiendra-t-il bientôt à l’histoire ?



Le lundi 2 mai 2022, le journal Politico a publié un article explosif reprenant un document interne de la Cour suprême des États-Unis. Ce document est une première version d’une future décision de la Cour concernant le droit à l’avortement. Si cette fuite, fait extrêmement rare, est qualifiée de dramatique, elle inquiète surtout les militantes et militants du droit à l’avortement aux États-Unis car cette décision reviendrait sur l’arrêt Roe v. Wade. On fait le point.




Les États-Unis, un État fédéral



Les États-Unis sont composés de 50 États, chapeautés par un État fédéral. Ces différentes entités se partagent les compétences : l’État fédéral se charge de toutes les questions concernant les 50 États (par exemple les questions internationales, l’armée, le FBI…), et les États se chargent des questions internes, comme par exemple le droit à l’avortement. Ainsi, le gouvernement fédéral des États-Unis ne peut pas réglementer au niveau national l’avortement : chaque État décide de son régime.



Ce principe trouve une limite dans le texte fondateur des États-Unis : la Constitution Américaine de 1787. Les États ne peuvent adopter une réglementation contraire à la constitution. Cette dernière est évolutive sans pour autant en modifier le texte, par le biais de la Cour suprême américaine. Les citoyens américains peuvent porter devant la Cour suprême leur affaire s’ils ne sont pas satisfait par le jugement rendu (la Cour choisit discrétionnairement quelles affaires sont entendues). La Cour suprême a donc un rôle fondamental et s’assure que la justice rendue par les 50 États, et donc indirectement leur lois, sont conformes à la constitution.


Le 22 janvier 1973, la Cour suprême rend l'arrêt Roe v. Wade : le droit à l’avortement est garanti par la constitution, les états ne peuvent pas l’interdire.


Le Texas, l’État où avorter était un crime



En 1970, Norma McCorvey, mère célibataire de 21 ans, est enceinte pour la troisième fois et souhaite avorter. Mais elle vit au Texas, un État qui interdit encore en 1970 l’avortement malgré un mouvement plutôt libéral qui mène plusieurs États à autoriser la pratique.


Norma McCorvey, sous le pseudonyme Jane Roe, attaque donc l'État du Texas et ses lois imprécises et contraires à la constitution. Ses avocates, Sarah Weddington et Linda Coffee, défendent plusieurs clientes dans la même situation. Henry Wade représente l'État du Texas en tant que procureur général de Dallas. Il gagne la première partie du procès devant la Cour fédérale, Jane Roe conteste. La Cour suprême accepte d’entendre l’affaire.


Les arguments pour et contre l’interdiction de l’avortement



L’État du Texas justifiait sa loi restrictive avec trois arguments. Tout d’abord, l'État a la responsabilité de préserver la santé de ses habitants, de maintenir les standards médicaux, et de protéger la vie prénatale (avant la naissance). Ensuite, un foetus est au sens du 14e amendement une personne, qu’il faut donc protéger. Enfin, protéger la vie prénatale est un intérêt impérieux de l'État du Texas.


Jane Roe se base sur deux textes ; la notion de « liberté » du 14e amendement interdit à un État de promulguer une loi aussi invasive ; le Bill of Rights reconnaît le droit à une vie privée maritale, familiale et sexuelle, droit qui n’est pas respecté avec une loi interdisant l’avortement. Pour Jane Roe, le droit à l’avortement est absolu : une femme peut décider d’interrompre sa grossesse quand elle veut, pour n’importe quelle raison, de la manière dont elle veut.


Le 14e amendement de la Constitution des États-Unis



La Constitution américaine de 1787 est composée de sept articles et de dix amendements. Par la suite, des amendements ont été ajoutés. Le 14e amendement date de 1868 : « Aucun Etat ne fera ou n’appliquera de lois qui restreindraient les privilèges ou les immunités des citoyens des Etats-Unis ; ne privera une personne de sa vie, de sa liberté ou de ses biens sans procédure légale régulière ; ni ne refusera à quiconque relève de sa juridiction l’égale protection des lois. »


La Cour statue : une loi rendant l’avortement criminel est une violation du 14e amendement. Les lois du Texas doivent donc être révisées pour autoriser l’avortement.


L'arrêt Doe v. Bolton



L'arrêt Roe v. Wade est accompagné de l'arrêt Doe v. Bolton qui reconnaît que les États peuvent émettre des restrictions à ce droit à l’avortement, particulièrement quand la grossesse est avancée. Cet arrêt a ainsi permis au Texas d'interdire en 2021 tout avortement dès qu’un battement de coeur est perceptible à l’échographie, soit 4 semaines seulement après la fécondation. Pour comparaison, en France le délai maximum pour avorter est de 12 semaines.


La Cour suprême, organe juridique ou politique ?



Pendant son mandat présidentiel entre 2016 et 2020, Donald Trump a l’occasion de nommer trois juges à la Cour suprême, sur un total de neuf juges. Neil Gorsuch, Brett Kavanaugh, et Amy Coney Barrett, respectivement nommés en 2017, 2018 et 2020, sont trois juges conservateurs. Aujourd’hui, six juges sur neuf sont conservateurs, ce qui laisse peu d’espoir pour les droits civils, et particulièrement le droit à l’avortement.


Roe v. Wade appartiendra-t-il bientôt à l’histoire ? Nous le saurons dans les prochaines semaines. Cette affaire nous commande de ne jamais oublier que les droits ne sont pas innés, mais sont garantis par des textes et des institutions, et qu’il faut rester vigilant. Aucun droit ne doit être considéré comme acquis.


Retrouvez bientôt l’arrêt Roe v. Wade sur Procès’dures.


Auteur : Quentin Gueho

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